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Les manifestations à Sainte-Soline du 25 mars, crispations autour du sujet des réserves de substitution

Environnement Article écrit par Tessa KILO

Le samedi 25 mars 2023, à Sainte-Soline, commune des Deux-Sèvres, un affrontement éclate entre les forces de l’ordres et les manifestants à proximité de la « méga-bassine », objet des crispations. Outre le déroulement de la manifestation, analysé par l’équipe de France 2 dans un épisode de « Complément d’enquête » jeudi 6 avril, l’objet de ce mécontentement semble parfois obscur.

Les décisions de justice reflétant les dissonances d’opinions 

Le projet de construction des réserves de substitution débute le 23 octobre 2017. Ce jour, les préfectures de la Vienne, de la Charente-Maritime et des Deux-Sèvres décident d’un arrêté permettant la construction et l’exploitation de 19 réserves. 
De premières tensions naissent chez les habitants ce qui mène la préfecture des Deux-Sèvres à organiser une enquête publique. Le 18 décembre 2018, un consensus est trouvé ; les participants acceptent les bassines si les exploitants des terres adoptent des pratiques moins agressives envers l’environnement. Également, la commission d’évaluation et de surveillance donne un avis favorable au dispositif.

Des opposants aux réserves de substitution forment un recours contre l’arrêté préfectoral de 2017, autorisant ces installations. En mai 2021, le tribunal administratif de Poitiers rejette le recours, mais demande une révision des volumes à la baisse. Le juge ne satisfait pas la demande des opposants qui pour certains militaient pour l’annulation des réserves dans la commune des Deux-Sèvres.

Un second arrêté est pris le 20 juillet 2020. Par celui-ci, le préfet réduit le volume de stockage autorisé et plafonne le nombre de réserves à 13. Ce dernier fait également l’objet d’un recours. Le 11 avril 2023, le même tribunal rejette une seconde fois le recours.

L’association « Nature environnement 17 » et d’autres associations de défense de l’environnement avancent plusieurs arguments dont, un prépondérant. Selon eux, l’arrêté modificatif devait initier une révision intégrale de la procédure d’autorisation environnementale. Ils avancent les inconvénients écologiques, conséquences de l’installation des réserves. Le juge défend pourtant que comparativement aux conditions décidées par le premier arrêté, les nouvelles ne sont pas « significativement défavorables pour l’environnement. »

Cette décision a fait l’objet d’un appel devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux. Malheureusement pour les partisans, les procédures administratives n’ont pas d’effets suspensifs sauf cas particuliers (référé suspensif).

Les avis des opposants et des partisans aux dispositifs des retenues d’eau 

Une réserve ou retenue d’eau est une structure artificielle construite afin d’emmagasiner l’eau. « Méga-bassine » est un terme utilisé fréquemment pour désigner la catégorie bien plus vaste que représentent les retenues d’eau. La récupération de l’eau se produit l’hiver via les nappes phréatiques et les cours d’eau. Ce mécanisme repose sur le principe de substitution. Lorsque des périodes de sécheresse frappent l’été, des stocks d’eau sont déjà disponibles.

Depuis l’instruction du Gouvernement du 4 juin 2015, puis celle du 7 mai 2019, la construction est encouragée par le Projet de Territoire pour la Gestion de l’Eau (PTGE). Ainsi, certaines retenues sont subventionnées par les agences de l’eau. En l’occurrence, la réserve de substitution de Sainte-Soline est financée à 70 % par l’argent public. 

Les représentants de la commune des Deux-Sèvres et plus largement de la région se positionnent en faveur de ces installations. C’est le cas notamment du sénateur Les Républicains, Gilbert Favreau et du député Renaissance des Deux-Sèvres Jean-Marie Fiévet. Ceux-ci considèrent les retenues d’eau comme la solution en urgence la plus efficace. En effet, le constat est aux périodes de sécheresse l’été. C’est pour cette raison qu’il leur paraît évident de récolter et conserver l’eau aux périodes où il y en a ; l’hiver.

Pour autant, certains élus dénoncent une mal-adaptation aux changements climatiques. La solution des retenues d’eau ne serait pas adaptée aux futurs au vu des sécheresses hivernales, constatées cette année.

D’ailleurs, certains représentants reviennent sur leur opinion initiale. C’est ce qu’illustrent les propos du sénateur Mickaël Vallet du parti Socialistes, Ecologistes et Républicains de Charente-Maritime ; « Je ne suis pas contre le principe de retenir de l’eau l’hiver quand on est bien au-dessus des étiages de remplissage des nappes, mais la réalité et ce qui doit être pris en compte, c’est qu’aujourd’hui, même en hiver on n’a plus le taux de remplissage nécessaire, ni dans les nappes phréatiques, ni dans les nappes plus profondes."

Le second argument fort concerne l’accaparement jugé illégitime de l’eau et le but poursuivi. Dans les faits, de nombreux groupes considèrent que le bien commun qu’est l’eau ne peut être réquisitionné. C’est un point de vue partagé par le groupe La France Insoumise. 

Enfin, des études scientifiques démontrent que la qualité de l’eau est dégradée lorsqu’elle est stockée ainsi. Il se développe des algues et des bactéries. Cette privatisation est considérée inégalitaire puisqu’elle ne profite qu’à une minorité d’agriculteurs. 

Des députés européens tel que Benoît Biteau juge que l’argent public sert à rendre les retenues indispensables ce qui défavorise de nombreux exploitants.

L’argument qui découle de cela est le but poursuivi. L’argent public est investi dans des structures qui aident à produire de la même manière qu’il y a 100 ans ce qui n’est pas une alternative durable. Cette solution ne poursuit pas l’idée d’une transition écologique et d’une production plus responsable locale.

L’espoir renaissant chez les opposants au dispositif

Il y a quelques semaines, le 3 octobre 2023, le tribunal de Poitiers, saisi notamment par le collectif « Bassines non merci » a rendu un jugement à charge contre les dispositifs de retenue d’eau.

Ce dernier concernait deux ensembles. Celui situé dans le bassin de La Pallu et l’autre dans le bassin de l’Aume et de la Couture. Parmi ces ensembles, quinze dispositifs étaient concernés excluant le projet de Sainte Soline. 

Le juge administratif de Poitiers a estimé que les dossiers ne permettaient pas d’économiser de l’eau et ignoraient les effets du changement climatique. 

Les motifs, multiples reposent sur le surdimensionnement des volumes d’eau demandés ne permettant pas « la mise en œuvre du principe de gestion équilibrée et durable de la ressource en eau » définie dans le code de l’environnement.

Les organisations, parties au procès se réjouissent. Dans un communiqué, elles parlent de la fin d’une campagne « de désinformation qui consistant à  présenter les mégabassines comme la solution aux enjeux climatiques. »

La préfecture de Vienne, à son tour, s’est exprimée par communiqué. Elle annonce un appel à cette décision.
Malgré la résistance de la défense, c’est une victoires pour les opposants. 
De plus, l’appel n’ayant pas de caractère suspensif, cette victoire ne devrait être trop furtive.


Sources : 
 
 
 

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